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Pourquoi les volcans sont-ils plus grands sur Mars ?
Olympus Mons atteint l’altitude remarquable de 21 kilomètres et n’est pas une exception sur la planète rouge. Comment les volcans martiens atteignent-ils de tels sommets ? Tectonique, pesanteur, voire glaciation, petite revue des facteurs contrôlant la hauteur des montagnes.
Olympus Mons (à ne pas confondre avec le mont Olympe, point culminant de la Grèce) est souvent mentionné comme le plus grand volcan du système solaire. C’est vrai pour l’altitude, avec un sommet culminant à 21,3 kilomètres au dessus du niveau de référence martien1. Alba Mons, situé au nord-est, est beaucoup plus vaste en termes de surface, mais il culmine à moins de 7 kilomètres. Olympus Mons n’est pas une exception : ses trois voisins Ascraeus Mons, Arsia Mons et Pavonis Mons, qui constituent les Tharsis Montes, font respectivement 18,2, 17,8 et 14,1 km, tandis que le plus lointain Elysium Mons atteint lui aussi l’altitude de 14,1 kilomètres. Sur Terre, le plus grand volcan (toujours en termes de hauteur) est le Mauna Kea, sur l’île d’Hawaï, avec un peu plus de 10 km (4207 mètres au-dessus du niveau de la mer, mais 6 km de plus jusqu’au plancher océanique). Comment expliquer que les volcans martiens soient si grands, la planète rouge ayant par ailleurs des dimensions bien plus modestes que notre Terre ?
La raison principale est la tectonique des plaques. À Hawaï comme à Olympus Mons, le volcanisme est causé par un panache mantellique, c’est-à-dire une remontée de matériel plus chaud, donc moins dense, depuis les profondeurs du manteau. On parle aussi de « point chaud », qui est en réalité l’expression en surface du panache. Ces panaches sont très stables et peuvent fonctionner pendant des dizaines de millions d’années. Mais sur Terre, les plaques tectoniques se déplacent relativement au manteau. Un point chaud se déplace donc au gré des mouvements de la plaque. C’est flagrant dans le cas de la chaîne Hawaï-Empereur (image ci-dessous). Cet alignement de 80 volcans sous-marins – et subaériens dans l’archipel d’Hawaï – s’étire sur 6000 kilomètres. Les volcans les plus à l’ouest sont les plus vieux (jusqu’à 80 millions d’années), tandis que les plus jeunes sont à l’est : le Kīlauea et Kamaʻehuakanaloa, le plus récent volcan hawaïen, qui n’a pas encore émergé de l’océan. Mars n’est pas – encore – tectoniquement morte[1]. Mais la planète rouge est dans un régime tectonique dit stagnant lid, dans lequel la lithosphère reste stable, sans mouvements horizontaux malgré la convection mantellique sous-jacente. Le point chaud ne se déplaçant pas, tout le magma produit par le panache mantellique s’empile au même endroit, donnant naissance à un édifice volcanique colossal au fil des millions d’années.
Est-ce à dire que sans mouvements tectoniques, les volcans terrestres pourraient atteindre la hauteur de leurs homologues martiens ? En fait non. Il existe une limite théorique, physique, à la hauteur qu’une montagne peut atteindre avant de se déformer sous son propre poids. Cette limite dépend de l’accélération de la pesanteur g. Sur Terre, la valeur de g est 9.8 m/s2, ce qui donne une limite d’environ 10 kilomètres de hauteur avant qu’une montagne commence à s’affaisser ; le Mauna Kea correspond donc au maximum théorique atteignable sur notre planète. Mais sur Mars g n’est que de 3.7 m/s2 : la limite théorique de hauteur est donc plus haute, à 27 kilomètres. Olympus Mons aurait donc encore pu gagner quelques kilomètres ! ■
La scie circulaire glaciaire
Il existe encore un dernier paramètre pouvant limiter la hauteur des montagnes : la « scie circulaire glaciaire » (glacial buzzsaw). Selon cette hypothèse[2], l’altitude maximale des montagnes serait contrôlée davantage par des facteurs climatiques que tectoniques. Autrement dit, peu importe la dynamique sous-jacente soulevant les montagnes (ce qu’on appelle le taux de surrection, généralement exprimé en millimètres par an), les glaciations constituent un facteur limitant. Il est vrai qu’à l’échelle globale, il existe une anti-corrélation entre latitude et altitude des montagnes : les sommets sont généralement moins élevés aux hautes (et froides) latitudes, et plus élevés sous les tropiques. Mais dans le détail, l’hypothèse de la scie circulaire glaciaire semble fonctionner pour certains massifs et moins, voire pas du tout, pour d’autres. Elle est donc remise en question par les tenants d’un contrôle avant tout tectonique. Le débat scientifique reste ouvert.
Article issu de kīpuka #1, texte diffusé sous licence CC BY-NC-ND.
Notes
1 En l’absence de mers, les altitudes martiennes sont mesurées par rapport à un niveau de référence. L’altitude zéro a d’abord été définie comme celle où la pression atmosphérique est de 610 Pascals, car en dessous de cette valeur l’eau ne peut pas exister à l’état liquide. Depuis 2001, les mesures du Mars Orbiter Laser Altimeter ont permis de définir une nouvelle surface de référence basée sur la gravité.
Références
[1] Stern RJ, Gerya T, Tackley PJ, 2018. Stagnant lid tectonics: Perspectives from silicate planets, dwarf planets, large moons, and large asteroids. Geoscience Frontiers 9(1), doi:10.1016/j.gsf.2017.06.004
[2] Egholm DL, Nielsen SB, Pedersen VK, Lesemann JE, 2009. Glacial effects limiting mountain height. Nature 460, doi:10.1038/nature08263